Une vie folk

Il y a plein de choses à vous raconter sur la vie d'un artiste musicien folk.

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Par Marc Verwaerde
9 avr. · 3 mn à lire
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Une mise au point s'impose

Ou plutôt, la mise à plat permet de se mettre au point. Lisez, vous comprendrez !

Coucou toi,

C’est la quatrième fois que j’écris cette newsletter

La première fois, j’étais dans le train qui me menait à Lyon et je voulais vous parler du processus de mimesis, d’imitation, dont je souffre lorsque je crée de nouvelles chansons. Puis, le train est arrivé en gare, je suis passé à autre chose, j’ai relu mon texte quelques jours plus tard, et puis bof.

La deuxième fois, c’était hier, je voulais écrire un texte sur les similitudes et différences entre “entrepreneur” et “artiste”. Fier de ma dissertation “thèse” / “antithèse” / “synthèse”, j’ai relu le texte et me suis dit “là, tu ne parles qu’à toi”. Donc, bof.

La troisième fois, c’était encore hier, j’étais sur le point de me mettre d’accord sur une nouvelle structure de newsletter complètement standardisée, en me disant “comme ça, les gens auront leur petit rendez-vous structuré, c’est rassurant, ça, un rendez-vous structuré qui ne dérape pas sur des kilomètres de mots”. Et puis, bof. Ce n’est pas ce que je désire pour cet espace d’expression.

La quatrième fois, c’est maintenant.

Coucou toi,

Je vous écris depuis mon studio, de retour d’une semaine lyonnaise où j’ai pu (entre autres choses) constater l’étendue de mon héritage culturel rock et folk, puisque j’ai mis en carton pas loin de 1000 albums d’artistes en grande partie anglo-saxons, jouant de la guitare pour l’écrasante majorité d’entre eux. En cartonnant comme un dératé la discothèque paternelle, j’étais étonné de voir à quel point je m’étais fait une culture plutôt pointue sur le sujet.

"Un jour je serai photographe""Un jour je serai photographe"

Parfois, en échangeant avec des amis artistes, j’ai l’impression de ne pas être suffisamment calé sur les biographies des rockers, alors qu’en réalité je maîtrise, plutôt comme un touche à tout du rayon pop-rock-indé de la Fnac que comme un expert ès érudit de la Sorbonne section rock 1970s. Bref, tout ça pour vous dire que mon père me manque, et que, malgré le fait que depuis quelques années maintenant, j’arrive à développer ma culture musicale par moi-même (encore heureux), les effets de la fin des échanges avec le pater sur le sujet commencent à se faire sentir. Plus que nos divergences de point de vue politique, j’avoue.

J’ai reçu les “mises à plat” du prochain album

La transition entre le deuil de mon père et ce paragraphe est évidente à mes yeux, mais peut-être vous saute-t-elle moins à la figure. Déjà, vous êtes en droit de ne pas connaître le jargon des ingénieurs du son. “Mise à plat” ? kézako ? Je vous l’explique dans quelques instants.

Juste pour vous dire que le tiers de mon album tourne autour du décès de mon père, avec 4 chansons dont les titres sont assez clairs : “Father”, “If You’re Not Here Anymore”, “Everybody Leaves” et “Goodbye”. D’où la transition évidente entre les deux paragraphes. Je suis extrêmement impatient de pouvoir partager ces chansons avec vous tous. Mais pour cela il faut s’armer de patience car le chemin est encore long avant d’avoir un produit réellement fini.

Alors, quoi ? C’est quoi une “mise à plat” bon sang de bon Dieu ? Non Google, ce n’est pas un “geste chirurgical pour neutraliser un anévrisme”. En tous cas, dans le domaine de l’ingénierie du son, la mise à plat consiste à faire le tri entre toutes les prises de son de tous les instruments, à sélectionner l’ensemble des bonnes prises, à retirer tous les éléments sonores indésirables, à réaliser une forme de balance pour que chaque élément sonore soit audible, afin d’entamer le travail de mixage. En général, c’est un format qui permet à l’artiste et au réalisateur artistique de l’album de se mettre d’accord sur le fait qu’on peut passer à l’étape du mixage, qu’il ne manque rien en termes d’éléments sonores.

Crédit photo : "deveniringeson" - pas moiCrédit photo : "deveniringeson" - pas moi

Cela faisait un mois que je n’avais pas entendu les chansons. Je n’avais d’ailleurs jamais eu l’occasion d’écouter réellement les chansons depuis leur enregistrement. Et hier, lundi midi, j’ai reçu tout ça via We Transfer, en même temps qu’un appel de mon réalisateur, Yann Arnaud (Air, Syd Matters,… Julien Shelter, waouh ça en jette). Son brief pour l’écoute : ça tourne, sauf deux morceaux.

15h30 : je m’installe à mon bureau. Le coeur palpitant, j’ouvre le premier morceau (dans l’ordre alphabétique), “Better to be Alive”, et clairement je sursaute. Evidemment, ce n’est pas fini (c’est un des deux morceaux qui “ne tournent pas”), mais on est vraiment en bonne voie. Surtout pour ce qui est de la voix. Clairement, le bond le plus prodigieux c’est vraiment la qualité de l’enregistrement de ma voix (et sans me jeter des fleurs, j’y suis aussi pour un peu, ces dernières années j’ai vraiment progressé). Sous la direction artistique de Yann, grâce à ses conseils lors de l’enregistrement ainsi qu’à ses choix de prises sonores, on entend à la fois la maturité et la fragilité, la sensibilité et l’assurance, le tout en même temps (c’était probablement “son projet” caché). La prestation vocale est digne des artistes que j’écoute en ce moment. Je passe aux morceaux suivants, qui tous confirment cette première impression.

Olivier Legall, qui a participé à l’enregistrement en posant ses belles guitares électriques sur l’album, m’envoie un message “ça va être un classique”. Je crois aussi. Je le savais en l’enregistrant. C’est d’ailleurs ce qui fait peur à Yann Arnaud : c’est presque un poil trop “classique”, il faudrait que ce soit quand même un peu moderne. Mais quoi ? Moderne ça veut dire “jetable” ? Parce que, dans classique, moi je n’entends pas “vintage”, j’entends “intemporel”, “indémodable”. J’espère que vous entendrez ça, vous aussi.

Et sinon rien à voir, mais

Je dois avouer que cette semaine, je suis en panne d’artistes qui passe à travers mes oreilles, car le seul groupe qui m’obsède, le seul album qui me prend aux tripes réellement en ce moment, j’en ai déjà parlé auparavant, c’est “I don’t Live Here Anymore” de The War on Drugs. J’ai bien des potes et mon frère qui m’envoient des liens, que j’écoute, mais je n’arrive pas à décrocher de cet album.

Du coup, je vous propose de faire appel aux intemporels pour aujourd’hui, à mes grands “classiques”, pour tout de même vous abreuver de musique à écouter. Et personnellement, quand je pense “classique”, je pense à “Hollywood Town Hall” des Jayhawks.

Hollwood Town Hall, The Jayhawks (le canapé a été emprunté aux Cranberries, sans doute)Hollwood Town Hall, The Jayhawks (le canapé a été emprunté aux Cranberries, sans doute)

The Jayhawks, c’est LE groupe qui a façonné complètement mon amour dévorant pour la culture musicale pop-rock-folk-country-indé. C’est le groupe qui a su, selon moi, faire la synthèse de tout ce qu’il y a de mieux dans tous ces registres. “Hollywood Town Hall” est le premier album des Jayhawks qui vaille la peine d’être écouté. Avant cela, “Blue Earth” et leur tout premier album éponyme “The Jayhawks” sont plus destinés aux fans dont je fais partie.

L’album ouvre sur le mythique “Waiting for the Sun” qui n’est pas seulement un titre des Doors, mais aussi une chanson intemporelle écrite par Gary Louris, le co-leader des Jayhawks. Une Gibson SG, un piano électrique, une bonne basse, deux voix lead et une très belle production de George Drakoulias, et le tour est joué : on embarque pleine balle sur les routes américaines, cheveux au vent (j’ai longtemps rêvé d’avoir la même chevelure que Gary Louris). Bref, écoutez-moi cette pépite. Quant à moi, je retourne écouter l’album sus-mentionné (non, pas le mien).

Bisous à vous tous et à très vite pour de nouvelles aventures,

Marc

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